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Le JPB > Culture 2008-07-05
Carmen et l'Arlésienne rendent visite aux détenus de Loos

La partition est du XIXe siècle, mais la scène est baroque: dans un atelier de la maison d'arrêt de Loos (Nord), Jean-Claude Casadesus et l'Orchestre National de Lille (ONL) donnent Carmen et l'Arlésienne, de Bizet, pour une soixantaine de détenus.

Des symphonies à l'opéra, le célèbre chef d'orchestre invite le répertoire classique en prison depuis 1986 avec la volonté "de faire de la musique un puissant vecteur contre l'exclusion".

Sous le toit de tôle de l'atelier de la prison de Loos, vétuste et surpeuplée (750 détenus pour 470 places), les auditeurs applaudissent à tout rompre lorsque celui qu'ils appellent "Maestro" fait son entrée, ovationné comme une rock star.

Auditoire concentré

"Cela peut paraître iconoclaste de voir un orchestre philharmonique ici. On est venu souvent (onze fois, ndlr). Notre but est de vous apporter un peu de rêve et d'évasion, en tout cas morale", lance-t-il avec malice. "La musique, c'est le parfum de l'oreille, et j'espère qu'on va vous parfumer comme vous le méritez".

Aux premières notes de Carmen, des détenus s'esclaffent, d'autres marquent le rythme du pied ou de la tête, hèlent les surveillants. Mais l'énergie "méditerranéenne et solaire", selon Casadesus, de l'opéra le plus joué au monde finit par opérer même sur les plus turbulents: le visage fermé, ils écoutent religieusement. Autour d'eux, les surveillants veillent.

A la fin d'un mouvement, le chef se retourne, hilare, vers ses auditeurs. "On continue?". "Allez Jean-Claude!", répondent les détenus. Puis il annonce la "Danse bohémienne". "Je vous invite à fermer les yeux". Certains le prennent au mot. "J'ai fait comme vous avez dit, ça m'a tellement bercé que je me suis endormi", dira l'un d'eux.

Le concert s'achève sur les notes enlevées de l'Arlésienne. Les détenus demandent un rappel. "Jouez la musique du Parrain!". Ce sera Carmen. "C'est bien parce que c'est vous", plaisante Jean-Claude Casadesus.

Chef consciencieux

"J'essaye d'être encore meilleur ici que dans la plus grande salle du monde", assure le dirigeant, qui refuse de rogner sur le décorum - les musiciens sont en smoking - et la partition: l'imposante harpe et son estrade ont été apportées.

Les détenus sont ensuite invités à échanger quelques mots avec le chef d'orchestre autour d'un cocktail... sans alcool. Très à l'aise, Jean-Claude Casadesus prend le temps d'écouter, de signer un autographe.

Fares, 21 ans, a encore dix-huit mois de détention devant lui. "Le chef mène bien son troupeau. C'est gentil de sa part d'être venu. J'aimerais bien revoir un concert classique, mais de là à acheter un CD..."


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