Les avocats et l’OIP (Observatoire international des prisons) ne cachent pas leur inquiétude et leur indignation face à la situation carcérale dans l’hexagone. Ils se mobilisent aujourd’hui pour dénoncer les conditions d’incarcération, les mauvais traitements faits aux personnes, en un mot le non-respect des droits fondamentaux.La loi sur la rétention de sûreté, rebaptisée par ses détracteurs "la loi faits divers" a fait l’objet depuis le début de l’année 2008 de vives critiques au sein de l’opposition et des associations d’aide aux prisonniers pour son caractère très répressif, notamment pour les personnes présumées dangereuses. Ce texte est en effet composé de deux volets qui ont été rédigés en réponse à deux faits divers très médiatisés.
Le premier volet a été inspiré par l’assassinat à Pau en 2004 de deux infirmières par un jeune schizophrène déclaré irresponsable. Face aux familles des victimes, Nicolas Sarkozy s’était révolté qu’il n’y ait pas de procès. Le projet de loi prévoyait donc que puissent être rendus des "arrêts de culpabilité civile" à l’issue d’une audience publique devant la chambre de l’instruction. Le conseil depuis a fait disparaître cette notion.
Le deuxième volet est lié à l’affaire Evrard, rédigé suite à l’enlèvement et au viol du petit Enis, par un pédophile récidiviste en août 2007. le texte prévoit qu’à l’issue de leur peine, certains pédocriminels jugés particulièrement dangereux puissent être maintenus enfermés dans des centres de rétention de sûreté. Tandis que le premier volet a été peu débattu et largement vidé de son contenu depuis l’intervention du conseil d’Etat, le second concentre les inquiétudes. La dangerosité des personnes condamnées serait évaluée après expertise psychiatrique par une commission pluridisciplinaire, puis elles seraient placées en rétention, en "centre socio-médico-judiciaire".
Hyper-inflation carcérale
Alors que le taux de surpopulation carcérale explose, l’OIP s’emporte contre l’action menée par la Garde des Sceaux. La situation française est celle d’une hyper-inflation ; l’administration pénitentiaire a annoncé qu’elle comptait au 1er juin 63 645 détenus dans ses prisons ; en cinq ans, on a eu une augmentation de 30% de détenus ! Par ailleurs le taux moyen de surpopulation est actuellement de 150%. Dans certains établissements, on a même des taux supérieurs à 200%.Pour Christian Monnet, membre de l’OIP de Bayonne, cette situation s’empire malgré les nombreuses propositions faites depuis des années à l’administration pénitentiaire pour améliorer les conditions de détention : "le taux de surpopulation à la maison d’arrêt de Bayonne est de 200% ; mais durant l’été, ce taux monte à 250%; Les droits à l’intégrité et à l’intimité sont bafoués. Les tensions sont très fortes ; l’an passé un prisonnier s’est suicidé; et les informations sont très difficiles à obtenir ; c’est un milieu totalement opaque ; nous ne pouvons y entrer", s’indigne Christian Monnet.
Solutions Alternatives de l’OIP
L’OIP propose des solutions alternatives à l’incarcération ainsi que l’aide à la réinsertion : "La construction de nouvelles prisons ne résoudra rien ; Nous souhaitons mettre en place les peines alternatives, comme cela se pratique déjà au Canada ; le rmi pénitentiaire, les soins médicaux en milieu carcéral, la semi-liberté sont des solutions qui respectent la personne humaine ; on a vu récemment un cas à Bayonne où un détenu a soigné un codétenu faute de personnel soignant ; c’est aberrant", conclut C. MonnetLe suivi des prisonniers, leur accompagnement psychologique et social seraient des solutions qui permettraient de réinsérer les personnes dans la vie en les respectant. Mais la loi Dati ne va pas dans ce sens. C’est l’effet Sarkozy...
Pour Rachida Dati l’essentiel est validé. Les réactions sont nombreuses contre cette décision. Pour Robert Badinter, c’est un risque de dérive du droit ; il dénonce l’idée qu’on puisse maintenir une personne en détention "pour ce qu’elle est et non ce qu’elle a fait" : "Priver quelqu’un de sa liberté sans infraction au nom de sa dangerosité supposée, c’est une idée qui remet en question les fondements même de notre justice pour se rapprocher des régimes totalitaires".Le syndicat de la Magistrature a jugé la validation de la loi , décevante : "c’est un échec pour l’état de droit tel qu’on le connaît depuis 1789 et la Déclaration des Droits de l’Homme," estime le syndicat. "C’est un désaveu partiel d’une loi qui reste dangereuse en ce qu’elle remet en cause les principes fondamentaux de l’égalité des peines et de la non-rétroactivité".
Pour Maître Durquety, avocat et membre du barreau de Bayonne, cette loi est véritablement anticonstitutionnelle : "c’est un échec du droit pénal; on fait machine arrière ; N. Sarkosy a voulu faire passer la loi en force, le conseil constitutionnel a mollement freiné le processus mais a laissé voter la loi ;il faut prendre conscience de la gravité de la situation, car rappelons que le Président est garant de la Constitution."