Asmara est la capitale de l’Érythrée, une république qui borde la mer Rouge et voisine du Soudan, de Djibouti et de l’Éthiopie contre laquelle elle a obtenu son indépendance en 1993 après une guerre de trente ans.
L’Érythrée est un territoire d’une superficie équivalente au cinquième de la France, aux paysages variés, avec des côtes et des ports enviés par l’Ethiopie, des ressources naturelles encore inexploitées, une population d’environ cinq millions d’habitants pour moitié chrétienne et l’autre musulmane et quelques souvenirs architecturaux des périodes coloniales italiennes et britanniques.
L’homme curieux du monde qui l’environne pourrait très vite trouver à l’Érythrée quelque intérêt évident et chercher à en savoir plus. Le pays mériterait certainement le détour, d’y voyager, d’y étudier. C’est toutefois sans compter sur la paranoïa des autorités d’Asmara, une paranoïa rationnelle et organisée, loin du délire, mais affichant un déni constant de la réalité. Au sommet de ce système autoritaire se trouve le président Isaias Afeworki. Ingénieur de formation, la soixantaine d’années, cet ancien combattant de l’indépendance au sein d’un ex-front populaire de libération, laïc d’obédience marxiste, est un professionnel de la politique du faible au fort. Les principes qu’il met en ¦uvre sont l’esprit de guérilla placé au c¦ur de sa politique étrangère et un régime égalitariste sans contestation possible en guise de politique intérieure. Quant à la population, malgré une situation économique catastrophique, elle doit vivre avec une armée pléthorique entretenue à défaut de développer l’économie locale et composée de nombreux déserteurs potentiels.
Le régime au pouvoir pousse cette jeune nation à affirmer sa souveraineté au détriment des pays voisins. L’Érythrée exacerbe les tensions régionales, mais se vit systématiquement en victime de la Communauté internationale.
Asmara est soupçonnée de soutenir les rebelles islamistes en Somalie contre le gouvernement de transition somalien soutenu par l’Ethiopie, plus par raison d’Etat que par affinités idéologiques car l’ennemi traditionnel est éthiopien. Asmara fait aussi régulièrement monter les tensions avec Addis-Abeba à cause d’un différend frontalier qui n’est toujours pas réglé depuis l’accord de paix signé à Alger en 2000. L’ONU condamne, mais Asmara regarde ailleurs et entrave la mission des Nations unies déployée le long de la frontière, finalement condamnée à plier ses bagages et les casques bleus forcés de déménager provisoirement dans leurs pays d’origine en attendant que le Conseil de sécurité décide de l’avenir de cette force. Au c¦ur de ce contentieux se trouve Badmé, un village devenu symbole national réclamé par les Érythréens, mais toujours occupé par les Éthiopiens, malgré les recommandations de la Commission frontalière des Nations unies rendues publiques en 2002.
Derrière l’Éthiopie, il y a aussi les Etats-Unis dont les ambitions en mer Rouge dérangent Asmara.
Enfin, depuis trois mois, l’Érythrée est allée voir du côté de la frontière avec Djibouti si le tracé était plus net. Asmara y a trouvé à redire et a installé des troupes bientôt rejointes par celles d’en face. La concentration de militaires en grand nombre sur un espace réduit de part et d’autre d’une ligne imaginaire à défendre conduit inévitablement à des accrochages qui ont finalement eu lieu. L’ONU condamne encore, mais Asmara fait la sourde oreille. Et l’Érythrée ferme en même temps la porte à Djibouti, à la Ligue arabe, à l’Union africaine et à la France qui cherchent à discuter.
Alors de quoi rêve Asmara ? Difficile à dire tellement le régime érythréen est opaque. La clé pour résoudre les tensions régionales se trouve peut-être à Badmé. En attendant, Asmara donne des cauchemars à ses voisins. Une politique du faible au fort qui passe jusqu’à ce qu’elle casse, mais à quel moment ?