L’opération policière franco-espagole ouverte mardi soir s’est soldée par l’arrestation de quatre membres présumés de l’ETA à Bordeaux, est de deux autres personnes, une à Andoain (Gipuzkoa) et l’autre à Bayonne.
La garde civile et la gendarmerie ont ainsi interpellé Francisco Javier Lopez Peña, Jon Salaberria, Ainhoa Ozaeta et Igor Suberbiola. D’après la police espagnole, ces personnes font partie de l’appareil politique et militaire de l’organisation armée basque. Et en seraient même des dirigeants.
M. Rubalcaba, le ministre de l’Intérieur espagnol, a qualifié Francisco Javier Lopez Peña et les trois autres membres de l’ETA interpellés en même temps que lui lors de l’opération de police franco-espagnole "d’importants dirigeants du groupe terroriste". Lopez Peña est présenté comme le numéro un de l’ETA par des sources antiterroristes espagnoles citées par les médias.
Poids politique et militaire
"Ce n’est pas une simple opération de plus" contre l’ETA, a souligné le ministre depuis Dakar, félicitant le travail conjoint des enquêteurs français et espagnols. Il a ajouté que Lopez Peña "serait en ce moment, selon toute probabilité, la personne qui a le plus de poids politique et militaire dans la bande terroriste ETA".
Selon le parquet de Paris, qui a dépêché à Bordeaux un magistrat antiterroriste, "les qualités respectives de ces personnes au sein de l’organisation ETA ne sont à ce stade pas établies".
L’arrestation s’est déroulée dans un appartement du centre-ville de Bordeaux, près de la gare, vers 23 heures. Reprenant les propos des sources de la lutte antiterroriste, les agences de presse espagnoles affirment que ces personnes participaient à une réunion. D’après le ministre de l’Intérieur espagnol, ces personnes étaient en possession d’une arme et de faux documents. La police a également trouvé du matériel informatique.
Le lendemain, lorsque les quatre interpellés se sont rendus dans ce même appartement pour poursuivre la perquisition, Francisco Javier Peña a dénoncé en français l’"état d’exception que connaît le Pays Basque" et a exigé "son indépendance". Les autres ont lancé des "Vive le Pays Basque libre". Les mesures de sécurité et la curiosité des médias étaient grandes à Bordeaux, pendant toute la journée d’hier.
Les informations utilisées par la gendarmerie et la garde civile ont été données par les Renseignements Généraux français et sont entre les mains de la Direction Antiterroriste et de la Police Judiciaire de Bordeaux.
Les interpellations de mardi soir à Bordeaux, ont été effectuées dans le cadre d’une enquête antiterroriste ouverte mardi à Paris, a annoncé hier le parquet de Paris dans un communiqué. "A la suite de renseignements portés à la connaissance du parquet de Paris le 20 mai 2008, faisant état de l’occupation d’un appartement situé dans le centre de Bordeaux par plusieurs personnes présumées membres de l’organisation terroriste ETA, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, usage de fausses plaques d’immatriculation en relation avec une entreprise terroriste, recel de vol en bande organisée", a-t-il précisé.
Arrestation de Fred Fort
L’enquête en flagrance a alors été confiée à la Sous-direction antiterroriste (SDAT) de la direction centrale de la police judiciaire, "qui a procédé à l’interpellation des quatre occupants de l’appartement après autorisation d’un juge des libertés et de la détention", a-t-il ajouté.
Hier, le Labourdin Fred Fort a été arrêté à Bayonne. D’après Askatasuna, il aurait été interpellé vers midi, place Saint-André. Fred Fort, âgé de 75 ans est de nationalité française. Il serait le propriétaire de l’appartement de Bordeaux, d’après le journal Berria. Dans la soirée, 25 personnes se sont rassemblées à Bidart, pour dénoncer son arrestation. Alors qu’à Bayonne, à la rue Pannecau, une quinzaine de personnes l’attendait, devant l’immeuble où vit sa compagne pour la perquisition. A sa sortie de l’appartement les personnes rassemblées ont pu l’apercevoir.
Arrestation d’un ancien maire
Hier matin encore, une sixième personne a été arrêtée par la police espagnole, en Gipuzkoa. Il s’agit de José Antonio Barandiaran. Radio Nationale Espagnole (RNE) a mis en relation cette arrestation avec le coup de filet contre la direction de l’ETA de mardi soir à Bordeaux.
Barandiaran a été arrêté dans la matinée à Andoian et est soupçonné, d’après l’agence de presse EFE, d’avoir tenu une réunion avec les quatre membres présumés de l’organisation indépendantiste basque armée arrêtés mardi à Bordeaux.
Les voisins de cet ancien maire d’Andoain, ont raconté que la garde civile est d’abord allée le chercher à son domicile, puis est revenue sur les lieux en sa compagnie. Les membres de sa famille n’ont pu assister à la perquisition réalisée par une dizaine d’agents.
Les cinq Basques arrêtés sur le territoire français devraient être emmenés à Paris dans les tout prochains jours, d’après l’AFP, sans préciser si ces interpellés seraient par la suite transférés vers l’Etat espagnol.
En matière d’antiterrorisme, le délai de garde à vue peut atteindre quatre jours, avec une possibilité de deux jours supplémentaires lorsque les interpellations sont effectuées en province.
Cependant, l’agence Europa Press a annoncé que le Procureur de l’Audience Nationale espagnole va demander aux autorités françaises la remise directe des quatre personnes interpellées à Bordeaux. Cela dit, il semble difficile que l’Etat français réponde à cette demande, au vu de la longue durée de leur séjour sur ce territoire. Si les autorités françaises n’accordaient pas cette demande, le procureur pourrait faire une demande de remise temporaire de ces personnes.
La Justice espagnole a des dossiers ouverts sur Jon Salaberria, Francisco Javier Lopez et Igor Suberbiola. Toutefois, il n’en a pas à l’encontre d’Ainhoa Ozaeta. C’est pourquoi, le Ministère Public s’est empressé de demander à la Cours centrale d’Instruction numéro 2, d’ouvrir un dossier la concernant, et d’inclure l’accusation : "d’intégration à bande armée" en qualité de dirigeante. Il se repose sur le fait qu’Ozaeta se serait réunie avec des dirigeants de cette même organisation.
La plupart des partis politiques ont salué l’opération menée par la gendarmerie et la garde civile. Le PSOE et le Parti Populaire se sont joints pour féliciter la garde civile. Le PP a ajouté : "nous nous trouvons de plus en plus près de la défaite de l’ETA". Au Parti Socialiste de ce côté-ci de la Bidassoa, la satisfaction était également de mise. Jean Espilondo a félicité les polices française et espagnole, et espère qu’ainsi l’ETA "se rendra compte qu’elle n’a pas d’avenir dans la lutte armée et qu’il ne lui reste plus qu’à négocier".
Au PNV, la méfiance régnait hier. Son président, Iñigo Urkullu, prend avec prudence les annonces faites par le Gouvernement espagnol, "l’ETA a prouvé sa capacité à se régénérer (Š), c’est pourquoi, nous devons aussi persister dans la voie politique". Le porte-parole du Parti nationaliste basque, Josu Erkoreka, a mis mercredi en doute "l’importance" au sein de l’ETA des quatre membres de l’organisation indépendantiste basque arrêtés mardi. L’élu basque a souligné que son intention n’était pas de minimiser la valeur du coup de filet policier franco-espagnol, "mais de minimiser l’importance que l’on attribue aux personnes interpellées dans la structure de l’ETA".
Pour sa part, le mouvement anti-répressif Askatasuna a fait remarquer que les arrestations ne menaient nulle part, que "ces trois dernières décennies 35 000 personnes ont été arrêtées", mais que la "répression a des limites".
Abertzaleen Batasuna a regretté les faits et pense que "la répression et la logique militaire s’alimentent mutuellement", d’après les propos d’Andde Saint-Mari. Quant à Batasuna, il a affirmé que la "répression n’est pas la solution, encore moins lorsqu’on arrête une personne qui a participé à des négociations pour la résolution du conflit", information reprise dans la presse espagnole.