LIBÉRATION Jean-Damien LESAY - Samedi 5 janvier 2008
Basques, Catalans et Galiciens jouent l’attaque contre la sélection espagnole
L’Euro2008 sera-t-il la dernière grande compétition de football disputée par une sélection nationale espagnole unie ? Les revendications des communautés de Catalogne, de Galice et du Pays Basque en matière de sport ont franchi, le 29décembre à Bilbao, un cap symbolique. En signant la déclaration de San Mamés, les représentants des trois gouvernements autonomes cherchent à accélérer la reconnaissance de leurs sélections "nationales" respectives. En marge du match Pays Basque-Catalogne (1-1), Miren Azkarate et Anxela Bugallo, ministres basque et galicien de la Culture, et Josep-Lluís Carod-Rovira, vice-président de la generalitat de Catalogne, ont approuvé un texte rappelant que leurs communautés "détiennent [Š] la compétence exclusive pour la promotion du sport" et annonçant que "dans le cadre de cette compétence [Š] seront promues la participation de leurs propres clubs et fédérations au plus haut niveau de compétition, ainsi que la pleine implication de leurs propres fédérations dans les fédérations internationales".
Reconnaissance. La promotion des clubs visée par le texte laisse dubitatif. La participation aux compétitions européennes passe par la qualification dans un championnat national. On imagine mal le FCBarcelone, l’AthleticBilbao ou le Deportivo LaCorogne quitter la Liga espagnole pour jouer des compétitions régionales de peu d’envergure. En revanche, la reconnaissance d’une sélection nationale de foot est un véritable cheval de bataille pour ces trois communautés qui jouissent des statuts d’autonomie les plus avancés d’Espagne. Le sujet a cristallisé les passions. En octobre2006, un premier match entre Basques et Catalans a donné lieu à des revendications nationalistes en présence des présidents des deux gouvernements autonomes. En juin2007, au Venezuela, l’équipe basque s’affichait derrière une banderole "Nous sommes une nation : officialisation!" En septembre, le dépôt d’une proposition de loi pour la reconnaissance des équipes par des nationalistes catalans a provoqué des incidents au Parlement de Madrid. Des députés catalans et basques enfilant la tenue de leur sélection pendant qu’un député du Parti populaire (droite) montait à la tribune vêtu du maillot espagnol.
Une telle reconnaissance serait-elle une catastrophe sportive pour l’Espagne ? Pas nécessairement. Si quelques Catalans de haut niveau émergent encore dans un FCBarcelone mondialisé, la Selección ne puise plus guère dans les réservoirs galicien ou basque dont les clubs jouent les utilités en Liga. De plus, la mauvaise entente entre joueurs de régions différentes est régulièrement avancée pour expliquer les contre-performances récurrentes de l’équipe nationale. Sportivement toujours, les sélections autonomes sont prêtes. Ces dernières saisons, les Basques ont battu la Bulgarie, l’Uruguay ou le Nigeria alors que les Catalans l’ont emporté face au Chili et à l’Equateur. Les opinions publiques sont disposées à se ranger derrière de nouvelles couleurs. On est allé jusqu’à brûler un drapeau espagnol, fin décembre, dans le stade de Bilbao.
Affiliation. Reste à convaincre les dirigeants du foot international. Pour adhérer à la Fifa, la fédération d’une région doit se prévaloir de l’autorisation de la fédération de l’Etat dont elle dépend. Cette disposition a permis, en2004, l’adhésion de la Nouvelle-Calédonie. Autre condition : une fédération n’est admise qu’après affiliation à une confédération continentale. Or l’UEFA a modifié ses statuts en2002 afin que seules les fédérations d’"Etats indépendants reconnus par l’ONU" soient admises. Une modification apportée pour faire obstacle à l’adhésion de Gibraltar sous la pression deŠ l’Espagne.
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