Quand Bordeaux revisite son passé rock
Bordeaux, attachée à une culture rock dont Noir Désir reste la figure de proue, se remémore son passé électrique avec la parution d’une anthologie illustrée de 460 pages, Bordeaux Rock(s), qui revisite près de cinquante ans de guitares saturées. Les initiatives se multiplient depuis quelques années à Bordeaux pour dépoussiérer le passé mais aussi promouvoir les groupes actuels de la turbulente scène locale. Eiffel, The Film, Crésus, Adam Kesher ou Aeroflot, les têtes d’affiche d’aujourd’hui, permettent à la ville, malgré son surnom de "Belle endormie", de demeurer l’une des places fortes du rock hexagonal. Avec la Rock School Barbey, lieu de programmation et de formation. Avec l’association Bordeaux Rock qui, depuis 2005, propose concerts, compilations et rééditions de disques des années 80. Avec désormais le minutieux travail d’historien de Denis Fouquet, auteur du livre Bordeaux Rock(s), qui paraît cette semaine au Castor Astral. "On a besoin d’y voir clair dans la façon dont l’histoire s’est constituée, dans la façon dont le rock est passé d’une contre-culture à une vraie culture", explique Denis Fouquet. Ce musicien féru d’histoire de la musique s’est attaché à évoquer "tous les rocks" - du blues à l’électro en passant par le progressif et le punk - des années 60 à aujourd’hui.
Né en 1961
Pour lui, le rock à Bordeaux est né en 1961, date du premier concert du groupe les Blousons noirs et ses "premières attitudes rock". Mais l’époque-charnière, c’est "1977-1983", celle où dominent les guitares punk et les groupes en "ST": les Standards, Stalag, les Stilettos ou encore STO s’engouffrent bruyamment dans la brèche ouverte par les pionniers Strychine. La scène bordelaise est alors en pleine ébullition, étourdie par le festival punk de Mont-de-Marsan avec les Clash, les Damned et Police en août 1977.
Question d’attitude
"Beaucoup de jeunes se disent alors : ŒJe peux le faire, et j’ai envie de le faire’. Parce que le rock, c’est quand même d’abord une question d’attitude", raconte José Ruiz, président de l’association Bordeaux Rock, lui-même membre des Stilettos et de Gamine dans les années 80. "On avait la chance d’être loin de Paris. A Paris, vous êtes sous le balcon des journalistes et un soupir suffit. Ici, il faut faire du bruit pour être entendu...", note-t-il au sujet de l’une des caractéristiques du rock bordelais : le "gros son".
Le Jimmy et la salle des fêtes du Grand-Parc abritent alors les rendez-vous de ces groupes dont s’inspirera Noir Désir. "Au début des années 80, beaucoup de groupes ont une démarche indépendante à fond. Mais cette démarche Œindé’ va vite trouver sa limite. Les groupes qui vont dépasser cette limite, ce sont Gamine et Noir Désir, parce qu’ils vont jouer le jeu de la signature avec une major", explique Denis Fouquet. "Noir Désir est le groupe qui synthétise le mieux la culture bordelaise, entre le punk rock des groupes en ŒST’ et le rock progressif d’avant", ajoute-t-il. L’auteur d’ailleurs consacre un chapitre à l’épopée "Noir Dez", relatant en détail la genèse du groupe entre 1981 et 1986, avant la sortie du premier album en 1987 chez Barclay.
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