La soprano Mireille Delunsch se met en scène en femme désespérée
L’opéra national de Bordeaux a accueilli mardi soir la représentation de la tragédie lyrique de Francis Poulenc "La voix humaine", interprétée et mise en scène par la soprano Mireille Delunsch, qui explore le désespoir d’une amante délaissée, dans un décor de cinéma. Cette tragédie en forme de monologue écrit par Jean Cocteau était précédée d’un autre ouvrage lyrique, "La mort de Cléopâtre" d’Hector Berlioz, où le spectateur assiste à la disgrâce de la reine d’Egypte qui, abandonnée de tous, se retrouve acculée au suicide. "Associer Cléopâtre et la femme de "La voix humaine", cela fonctionne. Toutes deux arrivent au bout de leur pouvoir de séduction et en souffrent énormément...
Etouffées de désespoir
...Ces deux femmes sont étouffées par leur désespoir, et avec un grand sens de leur dignité, perdent tout", explique Mireille Delunsch. Pour sa toute première mise en scène, chaudement applaudie, la soprano a joué sur les éclairages pour révéler l’incandescence des tourments de l’âme. De l’époque des pharaons, Mireille Delunsch a gardé l’atmosphère voluptueuse des palais. Un triptyque en bois représentant un somptueux intérieur sert de décor à l’agonie de la reine, richement vêtue d’une tunique noir et or et la chevelure emprisonnée dans un casque doré. Avant de s’écrouler sur les marches du palais, Cléopâtre pleure "l’éternelle nuit" qui l’attend... Le rideau tombe et se lève presque aussitôt, révélant la montée de l’orchestre de la fosse à la scène, tandis que la soprano, dos au public, se démaquille sans hâte pour se glisser dans la peau d’une femme moderne, éperdue d’amour pour un mari qui la quitte. Devenue blonde hitchcockienne dans un décor de chambre en noir et blanc évoquant les studios de cinéma, la soliste crie la défaite de l’amour conjugal dans un combiné téléphonique, seul lien qui l’unit désormais à son mari. Effondrée par l’annonce de leur rupture, la femme anonyme avoue ne "pas avoir le courage de mourir seule". Elle trouve cependant une dernière énergie pour se remettre du rouge aux lèvres, qui déborde comme une griffe sur la joue, avant de clamer, les pieds au bord de la scène, "Mon chéri je t’aime". Ce spectacle, qui se poursuit jusqu’au 21 janvier, est également la première production lyrique dirigée en Gironde par le jeune chef canadien d’origine trinidadienne Kwamé Ryan, futur directeur musical et artistique de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, ONBA.
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