Le festival de Cannes couronne à nouveau le cinéma politique et engagé
·La Palme d’or est revenue à Ken Loach et les prix d’interprétation collectifs à Volver et Indigènes
Le Festival de Cannes persiste et signe: après une Palme d'or décernée l'an dernier au très social L'enfant des frères Dardenne, le jury a choisi de récompenser à nouveau un cinéma engagé et politique en couronnant le film de Ken Loach sur la guerre d'indépendance irlandaise.
Le cinéaste britannique, connu pour son engagement à gauche, ne s'y est pas trompé : "Nous avons constaté dans les médias qu'il y a beaucoup de guerres et les gens ne peuvent tout simplement pas l'oublier : ça se reflète dans le cinéma", a-t-il constaté.
"C'est très important pour la santé du cinéma de traiter de ces thèmes et que les films ne soient pas là que pour amuser les gens qui veulent manger du pop-corn", a-t-il noté, acerbe. "Si nous osons dire la vérité sur le passé, peut-être oserons-nous dire aussi la vérité sur le présent", a-t-il affirmé, inscrivant ainsi dans l'actualité brûlante Le vent se lève, qui narre un combat remontant aux années 20.
Comme si le message n'avait pas été assez clair, Wong Kar-wai et ses jurés ont choisi d'attribuer la plus importante distinction après la Palme, le Grand Prix du Jury, à Flandres du Français Bruno Dumont, film coup de poing qui transporte les spectateurs sur un théâtre de guerre ressemblant à l'Irak.
Viols, émasculations et exécutions sommaires se succèdent, créant un sentiment de malaise d'autant plus fort que Flandres est une ¦uvre brute, sans musique et quasiment sans dialogues, à mille lieues des effets hollywoodiens.
Le cinéaste français, qui avait choqué Cannes en 1999 avec L'Humanité, s'est pourtant refusé à jouer les redresseurs de tort. "Mon travail est un travail d'évocation, de suggestion. Ce n'est pas la guerre irakienne qui m'intéresse, je n'ai pas la prétention de faire de leçon à quiconque", a-t-il affirmé. N'empêche : les images de ces jeunes soldats tout droit sortis des campagnes de Flandres et commettant les pires atrocités font irrésistiblement penser à ces jeunes recrues américaines auteurs des dérives de la prison d'Abou Ghraib.
Politique aussi le prix d'interprétation décerné collectivement aux acteurs du film Indigènes du Français Rachid Bouchareb, qui rend enfin hommage, après des années d'oubli, au rôle joué par les soldats de l'Armée d'Afrique dans la libération de la France à la fin de la seconde guerre mondiale. Bouchareb a tenu à rappeler que la France avait toujours une dette portant sur les pensions non versées aux anciens combattants venus d'Afrique. "Certains attendent la reconnaissance qui leur est due. Le Conseil d'Etat a condamné le gouvernement français à indemniser totalement tous ces soldats et dernièrement, la Cour européenne a aussi condamné l'Etat français".
Bouchareb a d'ailleurs confié qu'il envisageait de faire, "plus tard", un film sur la guerre d'Algérie (1954/62), autre période peu glorieuse de l'histoire de France peu abordée au cinéma.
Récompense collective aux femmes de Volver
Le prix d'interprétation féminine a également été remis à titre collectif, du jamais vu à Cannes, aux six actrices espagnoles qui incarnent les principaux rôles du film Volver de leur compatriote Pedro Almodovar : Penelope Cruz, donnée jusqu'au bout grande favorite pour ce prix, mais aussi Carmen Maura, Lola Duenas, Blanca Portillo, Yohana Cobo et Chus Lampreave. Le jury de Cannes a ainsi voulu souligner la place cruciale donnée aux femmes par Pedro Almodovar dans son film.
En 1998, Elodie Bouchez et Natacha Régnier avait toutes deux reçu ce prix pour La Vie rêvée des anges. Idem chez les hommes en 2003 pour les deux acteurs turcs d’Uzak et en 1996 pour Daniel Auteuil et l'acteur trisomique Pascal Duquenne (Le Huitième jour).
Cité longtemps comme le mieux placé pour décrocher la Palme, Almodovar a obtenu le prix du scénario. Le prix de la mise en scène est allé au Mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu pour le remarqué Babel.
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