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Nouveau coup de boutoir
·La journée d’action et de grèves d’hier contre le CPE a fait mieux que le mardi 28
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"Une bonne surprise" pour ce dirigeant syndical "soulagé" par cette nouvelle mobilisation à la hausse des anti-CPE à Bayonne. La situation de confusion sur le devenir de ce dispositif, pour le moins controversé, créée par l’allocution de Jacques Chirac vendredi, aura finalement bénéficié à la mobilisation.
En dépit d’un nombre de grévistes plutôt inférieur comme par exemple à La Poste selon un syndicaliste CGT, ou dans les transports interurbains de la STAB où, à la différence du 28 mars, aucun préavis n’était déposé, la mobilisation dans la rue a atteint un nouveau pic hier à Bayonne. Les organisateurs ont revendiqué 13000 manifestants (contre 11000 mardi dernier). Une hausse admise également par les services de police qui ont dénombré 8000 manifestants (contre 6500 le 28 mars).
Alain Duzert de la CGT, à la banderole de tête, et participant à la délégation reçue par le député maire UMP Jean Grenet en fin de matinée, analyse "une recomposition" dans les arrêts de travail. Comme un équilibrage entre le 28 mars et le 4 avril entre ceux qui ont fait grève la première ou la seconde fois. À titre d’exemple, au Foyer d’hébergement d’urgence les Mouettes de Bayonne, 9 personnes ont fait grève hier alors que personne ne l’avait faite le mardi précédent. Pour le cheminot CGT Alain Duzert, hier "un cran supplémentaire a été franchi, et le gouvernement doit en tenir compte par l’abrogation de la loi sur le CPE (puisqu’elle est promulguée) et en ouvrant de réelles négociations sur l’emploi". "Jean Grenet nous a dit qu’il était inquiet sur l’emploi des jeunes, on lui a dit banco!" relate le cégétiste.
Sans s’aventurer dans les chiffres citant néanmoins des écoles fermées à Saint-Jean-de-Luz et à Hendaye, Isabelle Soulé, responsable de la FSU constate que le cortège enseignant était particulièrement fourni. Elle aussi a fait partie de la délégation syndicale reçue par Jean Grenet à qui elle a dit que "nous qui avons en charge la formation des jeunes, nous nous sentons particulièrement concernés par le CPE" et proteste plus généralement contre la loi sur l’égalité des chances instituant aussi "l’apprentissage junior" [à partir de 14 ans, ndlr], et le travail de nuit pour les moins de 16 ans. Elle plaide pour "une croissance économique pourvoyeuse d’emplois et un parcours professionnel sécurisé" pour les jeunes.
Le monde des médias a également été affecté par les mouvements de grève. Ainsi, pour la seconde fois, Le Journal du Pays Basque était absent des kiosques, suivi cette fois-ci par Sud-Ouest. Idem pour les journaux parisiens. Les médias audiovisuels publics aussi ont été perturbés par cette nouvelle mobilisation, comme à France bleu Pays Basque pour l’éditon d’information du midi, tant en euskara qu’en français, et du soir.
Signe du nouveau succès de la nouvelle mobilisation, la manifestation bayonnaise était encore plus étendue que mardi dernier (voir infographie). Placés en tête au départ de la manifestation, lycéens et salariés se mélangeaient allégrement en encerclant la mairie (où se réunissaient six représentants syndicaux et deux étudiants et lycéens) ou devant la sous-préfecture. Et comme le 28 mars, les étudiants et les lycéens s’appropriaient autocollants (la guérite de la sous-préfecture en a été entièrement garnie) et drapeaux syndicaux. Les futurs éducateurs en formation à l’AFMR d’Etcharry étaient de nouveau là, et pour la première foi des collégiens (d’Irandatz à Hendaye). Les cortèges de la CFDT, de la CGT et de LAB étaient particulièrement fournis ce dernier, troisième par le nombre, emplissait le pont Saint-Esprit.
De nouveau, salariés du public et du privé, de petites et de grandes entreprises, ont battu le pavé. Turbomeca, Dassault, Signature (Urrugne), Bonnet-Névé (Hendaye), le Centre hospitalier de la Côte basque, le siège de Guyenne & Gascogne, Marietta (nettoyage industriel), Castorama, les cheminots, des retraités, l’Hôpital marin d’Hendaye, l’Association pour adultes et jeunes handicapés, l’enseignement (agricole compris), des CCAS, les HLM, la police (FO et UNSA),... FO a passé en boucle, de nouveau, Antisocial de Trust, dans un cortège de quelques centaines de manifestants, qui tombaient à une cinquantaine pour la CFTC, et demeurait étale pour Solidaires.
Du côté des politiques, en queue de manifestation, les libertaires faisaient leur apparition alliant des drapeaux rouge et noir, suivis par des oriflammes d’ATTAC. La LCR, les Verts, le PCF et le PS étaient derrière une banderole "Retrait du CPE CNE" signée en sus du MRC, PRG et EA.
La suite? Elle devait notamment se décider à Paris entre les directions syndicales.
Les lycéens crescendo, avec blocages
De mémoire de JPB, les lycées n’avaient jamais été bloqués. Ce mode d’action (re)lancé l’an dernier à la faveur du mouvement d’opposition à la réforme Fillon a connu ses premières manifestations au Pays Basque après deux mois de contestation du CPE. C’est le lycée Ramiro Arrue qui a allumé la mèche jeudi dernier avec un sit-in dans la cour de l’établissement luzien. Hier, trois lycées étaient bloqués: Ramiro Arrue et le lycée d’enseignement général Maurice Ravel à Saint-Jean-de-Luz et le lycée d’enseignement technique et professionnel Louis de Foix à Bayonne. Au lycée bayonnais René Cassin, les élèves ont débuté un vote pour décider d’un éventuel blocage pour jeudi et vendredi. À la fin de la manifestation anti-CPE, 480 votants étaient d’ores et déjà dénombrés.
Au lycée Louis de Foix, vote et résultats étaient en revanche déjà connus. Ainsi, sur 194 votants hier matin, 175 lycéens s’étaient prononcés à nouveau pour le blocage, 19 contre. Un blocage débuté lundi matin, avec une pétition de 830 élèves à l’appui. L’internat est fermé. "On a tout fermé pour venir à la manif et on y retourne après" raconte un lycéen de Louis de Foix, établissement bien représenté dans le cortège hier. Interrogé par le JPB sur "une entrée dans l’action relativement tardive", ce même élève explique que "bloquer le lycée à deux ou trois...". Comme un apprentissage très stratégique de la délibération et de l’action collective, en dépit des obstacles administratifs à Ravel, un premier accord de la direction pour tenir l’assemblée générale à l’intérieur du lycée était finalement refusé.
À Saint-Jean-de-Luz, une nouvelle manifestation lycéenne était programmée à 14h devant la mairie, à l’occasion de la venue de la ministre de la Défense, et conseillère municipale, Michèle Alliot-Marie. "On va bloquer toute la semaine d’t’façons" confiait hier matin un élève du lycée Arrue. Ils étaient une cinquantaine lundi à le faire. À Ravel, la mobilisation a été plus massive. Voté à 85% le vendredi, le principe du blocage du lycée s’est effectué lundi "en douceur" selon une parente de la FCPE assistant de façon bienveillante à l’opération. À 6h30, 300 lycéens entreposaient tables et sièges pour empêcher l’accès à l’établissement. Hier, une partie restait sur place pour assurer le piquet de grève, tandis qu’une autre battait le pavé à Bayonne. Les épreuves du bac blanc y ont été annulées. Et malgré les menaces d’exclusion de 2 à 5 jours émis par la direction, quelques élèves du lycée privé luzien Saint-Thomas-d’Aquin étaient de la partie.
Si les Renseignements généraux sont parvenus hier à dénombrer moins d’étudiants dans la rue que mardi dernier (600 lycéens contre 2000 le 28 mars), le comptage était diamétralement inverse pour les organisateurs. Alain Duzert (CGT) a noté avec satisfaction "une forte mobilisation supplémentaire des étudiants et lycéens".
Du côté des étudiants, une nouvelle assemblée générale devait s’organiser hier après-midi, suivie d’une soirée plutôt festive sur le campus bayonnais, avec DJ, préparations de banderoles et débats.
Si des retards à l’allumage ont pu être constatés dans le mouvement anti-CPE chez les étudiants et lycéens du Pays Basque, ils sont désormais plus organisés et mobilisés que jamais.
Un nouveau"raz-de-marée"
Des centaines de milliers de manifestants sont descendus à nouveau dans la rue pour exiger l’abrogation du CPE et promettre d’autres étapes en cas d’obstination du gouvernement. Les syndicats ont jugé cette nouvelle mobilisation contre le contrat première embauche comparable au "raz-de-marée" du 28 mars, en dépit d’une baisse du nombre de grévistes. Le syndicat Force ouvrière a avancé le chiffre de 2,5 millions de manifestants en France, selon une estimation provisoire, précisant que le chiffre de trois millions devrait être atteint en fin de journée. Le syndicat étudiant Unef a fait état de "3 millions de manifestants ou plus".
Pour Paris, la CGT comme FO ont avancé le chiffre de 700.000 manifestants. Le 28 mars, les syndicats avaient revendiqué 3 millions de manifestants. La police en avait dénombré un peu plus d’un million. "Il y a du sang neuf dans ce mouvement", s’est félicité le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.
Dans de nombreuses villes, des responsables étudiants et lycéens ont attribué la détermination des anti-CPE à la déclaration solennelle vendredi de Jacques Chirac, accusé d’avoir "semé la confusion" et "révolté les jeunes". "Le Premier ministre a réussi une très forte mobilisation le 28 mars et Jacques Chirac réussit une excellente mobilisation aujourd’hui", a ironisé le président de l’Union nationale des étudiants de France, Bruno Julliard.
À Marseille, Bordeaux ou Toulouse, le mouvement était de forte ampleur ou se renforçait tandis qu’un fléchissement était observé dans des villes comme Rennes ou Lyon. Sous une banderole proclamant "jeunesse en colère", Marseille a connu une forte mobilisation, les organisateurs revendiquant 250.000 manifestants, soit le chiffre du 28 mars.
Réactions et appels à gauche
Comme une union sacrée, mais uniquement à gauche. Les représentants, du PS, du PCF, de la LCR, du MRC, du PRG et d’Eusko Alkartasuna ont fait conférence de presse commune samedi à Bayonne, et banderole commune hier contre le CPE et le CNE. Comme une déclinaison locale de l’appel commun lancé à Paris vendredi. À noter que les seuls abertzale représentés et probablement invités étaient Eusko Alkartasuna, au titre de leur appartenance à la coalition Région et peuples solidaires ‹mais sans le PNV également membre de R&PS. Dans une déclaration commune, ces forces de gauche ont estimé que l’intervention de Chirac vendredi soir "rajoute dans la confusion en promulguant une loi tout en la déclarant inapplicable". "Les puissants mouvements populaires marquent le refus d’une très large majorité de Français ‹jeunes, salariés, retraités, chômeurs‹ de la politique du gouvernement qui échoue sur l’emploi et nous propose comme seule perspective que la précarité." Pour le camp de gauche "une fois de plus Chirac et son gouvernement font la preuve de leur entêtement et de leur autisme en voulant faire passer en force et de façon anti-démocratique le CPE. Ils seront totalement responsables du choix qu’ils ont fait d’aller à l’affrontement." "Cette attitude ne peut entraîner qu’une réponse massive et responsable de la population" à laquelle ils ont appelé à participer "dans le calme et la détermination".
Appel à manifester également lancé par les jeunes abertzale révolutionnaires de Segi qui dénoncent cette "nouvelle imposition à la jeunesse du Pays Basque" à qui l’on dénie le droit "d’apprendre, de travailler et de vivre libre" au pays.
Quant au conseiller général divers gauche Jean-Pierre Destrade, il estime que la dernière prestation télévisée de Chirac "précipite sa propre déchéance et celle de de sa majorité politique". L’élu de St-Pierre ajoute qu’il a "pris le risque irresponsable de faire prolonger la très grave crise sociale".
Seul soutien public affiché à droite, mais en demi-teinte, celui de l’élu biarrot UMP Philippe Morel du Parti radical qui pense que "le chef de l’Etat a ainsi répondu aux attentes des jeunes qui s’étaient opposés à la première version du CPE", même si "une deuxième lecture au Parlement aurait été plus rapide, plus simple, plus claire et plus apaisante".
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