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Le JPB > Sujet à la une 2006-03-07
Mobilisation et proposition pour la fin de l´hébergement d´urgence d´hiver
·Les associations d’aide aux S.D.F. organisent un rassemblement vendredi pour un hébergement d’urgence pérenne

C’est une première. Habituellement les bénévoles de ces associations assurent l’hébergement, le repas ou une douche pour ceux que l’on nomme les exclus. Là, ils appellent à un rassemblement vendredi 10 mars à 17h30 devant la Porte d’Espagne à Bayonne. Les associations Atherbea, Emmaüs, Point accueil jour et Table du soir qui gèrent le Plan Grand Froid au Pays Basque jugent "indispensable d’alerter nos concitoyens". En effet, l’hébergement hivernal d’urgence de 14 places supplémentaires ouvert le 15 décembre rue Ste-Ursule à Bayonne ferme ses portes le 15 mars. Dimanche soir, 28 personnes ont dormi notamment dans ce préfabriqué. "Le 16 mars, où vont-ils dormir?" interroge Christian Murat, président du Point accueil jour.

Dès lors, les associations de lutte contre l’exclusion demandent aux pouvoirs publics "une solution pérenne". Les centres d’hébergement d’urgence et d’insertion, ceux d’Atherbea et d’Emmaüs, affichent complet 12 mois sur 12. Les associations réclament donc "la création d’hôtels sociaux" dans les mois qui viennent au Pays Basque. Une entrevue a été obtenue auprès du préfet des Pyrénées-Atlantiques le 30 mars pour lui soumettre la proposition de création de structures d’hébergement d’urgence ouvertes 365 jours par an. Et pour donner plus de force à la demande, les 30 élus de la côte basque ont été invités à participer au rassemblement. De plus, une pétition est en circulation.

Sans trop insister, les associations appuient néanmoins cette "impérieuse nécessité" d’assurer un hébergement d’urgence tout au long de l’année, avec les décès récents de deux personnes sans domicile fixe, Kiki et Max dans les sanisettes devant la gare de Bayonne concernant ce dernier. "ça a secoué les gens de la rue, rapporte C.Murat, ils se sont dit le prochain c’est moi..."

Moyens d’hébergement en baisse

Outre la demande de création d’hôtels sociaux, les associations dénoncent la baisse des financements publics pour l’association Atherbea. "Il y a un manque de réponse à la demande, mais aussi un problème de maintien de l’offre" résume Jean-Daniel Elichiry, directeur du CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale) Atherbea. Le président de l’association Atherbea, Olivier Picot, explique que le financement du foyer des Mouettes (pour femmes seules ou avec enfants) est assuré, à la différence du foyer Atherbea. Le CHRS enregistre un déficit de plusieurs dizaines de milliers d’euros en 2005. C’est qu’il fonctionne avec 21 équivalents temps plein quand la convention avec la DDASS n’en prend en charge que 17.

Si rien ne change, "d’ici la fin de l’année, des réductions d’effectif seront nécessaires" prévient le président. "Nous espérons un geste fort du Préfet" indique O.Picot. En moyenne, les CHRS équivalents disposent de 35 emplois à temps plein argumentent les dirigeants du foyer.

Le directeur d’Atherbea rappelle que "l’hébergement n’est pas une solution en matière d’insertion, c’est quelque chose de temporaire". Une solution temporaire dont les bénéficiaires vont "des personnes marginalisées aux travailleurs pauvres". Une offre d’hébergement d’urgence qui s’est réduite de 40 à 21 places en quatre ans souligne J.-D. Elichiry. Notamment en matière de propositions de logements d’urgence en hôtels. Il n’y a pratiquement plus d’hôtels qui assurent ce service. Ou plus précisément, Atherbea a dénoncé la convention qui la lie avec l’un d’eux, "pour raison d’insalubrité".

Une pauvreté qui se développe (lire ci-contre), une demande d’hébergement d’urgence en hausse et des moyens en baisse. C’est l’équation présentée par des associations qui demandent une solution, urgente elle aussi.



Les formes élémentaires de la pauvreté
À l’image des débats sur le paupérisme au XIXe siècle, les questions d’exclusion et de pauvreté refont surface en cette fin de XXe et début du XXIe siècle. Et ce n’est certainement pas par hasard si le sociologue Serge Paugam imite, avec Les formes élémentaires de la pauvreté (PUF, 2005), un titre d’ouvrage d’Emile Durkheim père fondateur de la sociologie française à la fin du XIXe. Le chercheur en sciences sociales, directeur d’études à l’EHESS et au CNRS, auteur également de La disqualification sociale (PUF, 2004), La société française et ses pauvres (PUF "Quadriges", 2002) est invité par l’Association de recherche de Castillon pour animer une conférence publique, vendredi 10 mars de 8h45 à 13h, au Méga CGR de Tarnos.

Le sociologue fera le point sur les nouvelles formes de fragmentation sociale, sur la façon dont les sociétés se représentent les pauvres, refusant toute définition substantielle ou essentielle de la pauvreté, pour privilégier une approche relationnelle. Dans son dernier ouvrage, il s’appuie sur Marx, Simmel et Tocqueville, mais surtout sur des recherches menées en Europe pour distinguer trois formes de pauvreté à l’¦uvre dans nos sociétés occidentales. La pauvreté intégrée qui traduit une configuration où ceux que l’on appelle "les pauvres" sont nombreux, se distinguent peu des autres couches de la population. Un type de pauvreté que l’on retrouverait davantage dans les sociétés du Sud de l’Europe où les solidarités familiales et l’économie parallèle permettent aux personnes connaissant la pauvreté d’être intégrées. La pauvreté marginale renvoie à une configuration où ceux que l’on appelle les "pauvres" constituent une frange peu nombreuse de la population, et bien distincte de la société, qui sont parfois considérés comme des marginaux ou des cas sociaux. Enfin, la pauvreté disqualifiante serait une forme sociale où ceux que l’on appelle les "pauvres" sont de plus en plus nombreux et refoulés, pour la plupart, hors de la sphère productive.

L’auteur précise que ce livre "ne débouche pas sur un programme particulier, mais il entend stimuler la réflexion pour contribuer sinon à éradiquer, du moins à soulager les souffrances de ceux et celles dont le destin, un jour ou l’autre, croise celui de la pauvreté".



Des indicateurs de pauvreté en hausse
La fréquentation de l’hébergement d’urgence du Plan grand froid au Pays Basque a augmenté de 15% cette année, indiquent les associations. Une hausse constatée également à la Table du soir, avec une moyenne d’une soixantaine de repas (avec des pics à 84) servis chaque jour. Le Point Accueil Jour (proposant douche, café et blanchissage) c’est 14 000 passages dans l’année par 982 personnes différentes. L’hébergement d’urgence aux foyers Atherbea et des Mouettes a accueilli 2000 personnes, tandis qu’en hébergement d’insertion ce sont 800 personnes qui en ont bénéficié (en 2004).

Le Pays Basque est précurseur dans les nouvelles formes de pauvreté, constate amèrement Jean-Daniel Elichiry, directeur du CHRS Atherbea. Les phénomènes décrits dans le rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion, rendu public le 1er mars, ont été enregistrés au Pays Basque. Il en est ainsi de l’apparition de situations de pauvreté parmi les personnes âgées (3 hommes de plus de 70 ans sont hébergés à Atherbea), ou les femmes travailleuses pauvres. Parmi les nouvelles figures de pauvreté, ajoutons celle de deux jeunes gens qui avaient acheté une voiture-épave à 500 euros pour leur hébergement, ne fonctionnant qu’en première, vitesse utilisée pour se déplacer de parking en parking, au gré des expulsions par les policiers ou propriétaires. Ils sont désormais en foyer.


 
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