El castillo de la pureza / A Ripstein
On se lève tous pour Ripstein
Arturo Ripstein, ancien assistant de Bunuel, est considéré comme le meilleur réalisateur mexicain vivant. À son nom, tout le monde se lève, soit pour l’honorer, soit pour partir en courant, car l’homme est fort et son ¦uvre puissante vous procure de sacrés électrochocs. Je fais partie de la première catégorie. Il va loin Ripstein, dans l’exploration. La solitude des âmes, c’est son jardin. Une belle maison avec une porte splendide, épaisse, et derrière, une cour où jouent trois enfants, les filles Utopie, Vérité et Avenir, leur frère. Une belle femme élégante qui se maquille indéfiniment et partage les jeux. Leur mère. Dans la cour, un atelier. Le père y travaille avec les enfants. Ils fabriquent et conditionnent de la mort-aux-rats. Le père est beau, mais sévère, chaque jour, il sort pour livrer son poison dans des petites échoppes. Le père fait la classe à ses enfants. Le père bat sa femme pour lui faire avouer le nombre de ses amants. Le père a enfermé sa famille depuis dix-huit ans, pour la protéger de l’extérieur. Les enfants n’ont jamais vu que la cour et quand le père s’en va, la mère leur raconte le monde, la mer. À la hauteur de la petite fille, Vérité, qui voudrait tant pouvoir aimer en confiance ce père magnifique, on prend peu à peu la mesure de la folie au quotidien. Le travail au milieu de ces poisons, les allers et venues du tyran domestique, ses retours d’amour plus angoissants que ses explosions de violence, les enfants oubliés dans des cachots, épiés dans leur sommeil, battus sans raison et la mère qui protège comme elle peut, au péril de sa vie. L’ordinaire et la violence, sans repères, la paranoïa qui livre l’autre à la mortelle incertitude, celle qui brise, qui écrase, qui efface. La résistance comme un suicide, et la libération comme une mort. D’autres démontent la mécanique et l’appliquent dans des camps, ici ou là. Arturo RIPSTEIN nous la fait famille.. Je sens que je vais aller à Mexico, prendre un pass permanent pour Churubusco, et ne me dites pas que c’est impossible. Gardez-les, ces films magnifiques, gardez les encore un peu à Biarritz.
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