Première téléboutique en Pays Basque nord
·Un véritable phénomène qui permet de renouer avec les bonnes vieilles cabines de bureaux de PTT d’antan
Locutorio Outre-Bidassoa, Telécentre au Sénégal, Callshop ou Callbox chez les anglosaxons, Téléboutique au Québec Taxiphone en Tunisie. C’est ce dernier nom qui a été retenu par Morad Chaibi pour ouvrir son magasin face à la gare de Bayonne, premier du genre au Pays Basque. Des boutiques qui proposent des appels locaux ou à l’étranger à des prix défiant toute concurrence qui se sont multipliées dans les grandes agglomérations depuis la perte du monopole par France Telecom en 1998. Le sien a ouvert en juin dernier, et "ça tourne".
Morad Chaibi, 25 ans, en avait "marre de l’intérim". S’appuyant sur l’exemple toulousain, ville dont il est originaire, il a ouvert son propre magasin. L’investissement de départ n’est pas trop élevé. Huit cabines téléphoniques, trois ordinateurs en libre accès pour internet, ouvert sept jours sur sept de 10h à 21h. Il travaille avec l’opérateur privé Central telecom. C’est mettre à disposition du particulier des services téléphoniques auparavant réservés aux professionnels, explique Morad Chaibi.
Le principe est pour le gérant l’achat en gros de minutes de communications à l’international au prix le plus bas, et la revente au détail de ces mêmes minutes avec une marge décidée en fonction de la concurrence sur la zone. Au Pays Basque nord, il est, pour le moment, le seul.
Dans les quartiers populaires et immigrés des grandes villes il peut y en avoir tous les trente mètres. On en dénombre une quinzaine dans la Communauté autonome basque, et moins de dix en Navarre. Pour l’instant.
Chacun peut comparer avec sa facture téléphonique: 0,10¤ la minute sur un fixe dans la métropole, 0,25¤ sur un portable; 0,20¤ la minute sur un fixe en Europe, au Maghreb comme en Turquie, cinq centimes de plus pour l’Afrique sub-saharienne. On remarquera qu’il est moins cher d’appeler un téléphone portable à Abidjan ou Istanbul (0,30¤) qu’à Berlin ou Pampelune (0,40¤). C’est TTC.
La scène évoque l’époque où les bureaux des PTT disposaient des cabines téléphoniques. Plusieurs films d’Hitchcock en sont également pourvus. Retour au noir et blanc?
"Les taxiphones ce n’est pas juste pour appeler l’étranger" appuie Morad Chaibi. La plupart des coups de fil sont donnés par des travailleurs immigrés à leurs familles restées au pays, ou au bled, mais pas uniquement. Lors de ces quatre mois d’activité, la première destination téléphonique a été le Maroc, suivi des appels en France sur un mobile, puis l’Algérie, la Turquie, l’Etat espagnol, le Portugal, le Sénégal et "le Grand Sud-Ouest". Les appels ont touché 48 destinations différentes, sur les 170 offertes par l’opérateur. Parmi les plus originales, la Nelle Zélande, le Viet-Nam, la Thaïlande, le Rwanda.
Morad Chaibi reste sur le "bon vieux analogique" et se méfie des nouvelles possibilités téléphoniques par internet: "si ça bug, j’ai les huit cabines en panne".
De toutes les langues
Habitants ayant de la famille dans un pays tiers, touristes, travailleurs immigrés temporaires comme les marins ukrainiens et russes, des ouvriers polonais,... Morad Chaibi en entend de toutes les langues. "Il y a des jours c’est magique; quand vous avez un Colombien, un Marocain, un Sénégalais dans les cabines, et qu’arrive un Russe!..." Etre dispenseur de cabines téléphoniques, c’est aussi assister parfois à quelqu’un qui "apparemment apprend une mauvaise nouvelle".
"Les parents sont aux téléphones, les enfants sur internet" relate le jeune commerçant. Témoignage de l’expérience toulousaine, l’abaissement de la barrière du prix (2¤ l’heure) aurait permis un accès à internet à un large public.
Les vendeurs de cartes téléphoniques, et autres recharges, voisins font grise mine. Les cyber cafés probablement aussi. Les cabines téléphoniques quant à elles se font plus rares. La faute aux portables? Certainement pas. New York en regorge. Morad Chaibi explique qu’au Canada, lorsque l’on téléphone d’une cabine dans la rue, le coût de l’appel local est minime pour une longue durée.
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