"La Navarre n’a pas été vendue, mais offerte"
Le candidat Fernando Puras paie les pots cassés de la crise provoquée par le veto du PSOE à l’accord entre le PSN et les abertzale
Suite au veto qu’a émis le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol à l’encontre de l’accord de gouvernement signé entre le PSN et les abertzale de Nafarroa Bai, la crise ouverte au sein du socialisme navarrais a provoqué une première démission. Fernando Puras, le candidat au gouvernement de la Navarre, désigné par José Luis Rodríguez Zapatero, a tiré sa révérence. Il renonce à son siège de parlementaire à l’hémicycle navarrais. Lors d’une conférence de presse, hier soir au siège socialiste d’Iruñea-Pampelune, Fernando Puras a expliqué aux journalistes la raison de sa décision: il n’est pas du tout d’accord avec le veto que la direction fédérale du parti lui a imposé, et d’autant moins que cela permet l’investiture du président navarrais sortant, le conservateur Miguel Sanz, qui pourra ainsi gouverner malgré une minorité parlementaire. Mais, fidèle au PSOE, il accepte la consigne. Sa démission s’explique donc par cohérence politique. L’ex-candidat n’a pas laissé de temps aux questions. Il a quitté la salle de presse tout de suite, taciturne. Quelques heures auparavant, Carlos Chivite, secrétaire général des socialistes navarrais, expliquait aux membres du comité régional les raisons arguées par le PSOE pour expliquer son opposition à l’accord avec les abertzale de Nafarroa Bai. Hier soir, on ignorait quelle avait été l’ambiance au siège socialiste.Mais vu les réactions de ces derniers jours, le conclave a dû être mouvementé. D’ailleurs, même si Carlos Chivite est résolu à rester à la direction du PSN jusqu’au congrès de 2008, tout semble indiquer que la démission de Fernando Puras ne sera pas suffisante pour calmer la vague de colère interne.
De nouvelles élections
Vendredi, une fois le veto du PSOEconfirmé [lire notre édition du samedi 4 août], des centaines de militants socialistes ont manifesté leur indignation devant le siège du PSN. Reprenant l’un des épouvantails agités par la droite pendant les élections ("les socialistes vont vendre la Navarre aux abertzale"), les manifestants ont scandé: "la Navarre n’a pas été vendue, mais offerte [par le PSOE à la droite]".Les conséquences de la crise interne au PSN peuvent être plus graves que prévues pour la formation dirigée par José Luis Rodríguez Zapatero. Le mot "déception" se répète de militant à militant. C’est le cas de la présidente du Parlement, Elena Torres, qui va recevoir à partir d’aujourd’hui les représentants de tous les partis pour la formation du nouveau gouvernement. "Les votants du PSN n’ont pas voté pour Miguel Sanz, mais pour Fernando Puras", a-t-elle lancé. D’autres sont beaucoup plus durs avec la direction madrilène. C’est le cas du maire de Sartaguda, qui vient d’appeler ouvertement les militants du PSN à la révolte. Menacé d’exclusion du PSOE pour avoir accepté de gouverner la municipalité avec le soutien de la gauche abertzale [lire notre édition du 19 juin], José Ramón Martínez a affirmé que la "seule solution pour le socialisme navarrais" est la création un nouveau parti. Créer un nouveau sigle est "le plus simple, même si cela paraît très compliqué". Selon José Ramón Martínez, "cela nous permettrait de nous séparer de la tutelle de Ferraz [rue madrilène où se situe le siège du PSOE] et de continuer d’être socialistes". Le maire de Sartaguda a demandé aux douze parlementaires du PSN de ne pas suivre les consignes du PSOE, de se passer du groupe mixte et d’empêcher la droite de rester au gouvernement. José Ramón Martínez n’a pas laissé passer l’occasion pour envoyer une charge contre la direction du PSN, en déclarant qu’"il y a longtemps que Carlos Chivite [le secrétaire général] aurait dû démissionner", et que Fernando Puras, le candidat socialiste, "a démontré qu’il n’a pas les qualités pour être un représentant au Parlement". Quant au secrétaire d’organisation du PSOE, José Blanco, José Ramón Martínez a affirmé qu’il est "persona non grata en Navarre" et que José luis Rodríguez Zapatero "s’est caché". Comme tous les partis, "le PSN vit de ses voix; à ce jour, personne ne voterait pour ce parti", a-t-il estimé. "Selon les sondages, dans le cas où de nouvelles élections auraient lieu, le PSN obtiendrait entre cinq et sept parlementaires. Moi je crois qu’il serait difficile même d’en obtenir une seule, sans parler de la difficulté à trouver des militants pour composer la liste de 50 candidats au Parlement". Ce n’est pas par hasard si le maire de Sartaguda parle d’élections. La décision du PSOE répond à un calcul électoral vis-à-vis des générales de mars 2008. Les socialistes estiment que l’accord du PSN avec les abertzale serait manipulé par la droite avec succès en Espagne et que cela représenterait une grande perte de voix. Une fois les élections générales passées, l’accord entre PSN, Nafarroa Bai et IUN pourrait alors avoir lieu et atteindre le pouvoir via une motion de censure au Parlement. Face à cette éventualité, l’UPN de Miguel Sanz a déjà averti les socialistes: si un tel plan se prépare, le président du gouvernement dissoudra le parlement et convoquera de nouvelles élections. Et dans ce cas-là, comme disait le maire de Sartaguda, le PSN a tout à perdre. À suivre.
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