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Daniel POULOU / Député UMP de la VIe circonscription
« Même avec 150 000 pétitions le Conseil Général ne peut décider un référendum »
·ENTRETIEN
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En tant que député frontalier avec la Communauté autonome Basque, Daniel Poulou est un fin connaisseur de la situation politique en Pays Basque. Dès l’annonce de la trêve de l’ETA, il avoue avoir senti un soulagement et une joie, le sentiment que tant d’années de violence et de souffrance pourront enfin arriver à terme. Il nous a reçus chez lui, à Urrugne auprès des siens, après une partie de pêche dans la Bidassoa qu’il retrouve à chaque retour de Paris.
Deux mois après l’annonce du cessez-le-feu permanent par l’ETA, le Gouvernement espagnol vient de confirmer la réalité du cessez-le-feu et compte initier des contacts directs à partir de juin.
C’est une chose formidable pour tout le Pays Basque et également pour la France. On ne peut pas ignorer un problème qui a perturbé la vie politique et la vie de beaucoup d’amis et de concitoyens pendant de nombreuses années. On ne peut que se réjouir de la décision prise par ETA d’observer une trêve. Maintenant, ouvrir des discussions et des négociations, je crois qu’il faut faire très attention. C’est que dans une démocratie, que ce soit en Espagne ou en France, la représentation se fait au travers de partis constitués. On ne peut pas négocier avec un groupe, fût-ce l’extrême gauche, l’extrême droite, l’ETA, des terroristes, les nationalistes corses etc. Un gouvernement ne peut pas négocier avec une organisation qui n’est pas organisée comme un parti politique, qui n’est pas reconnue en tant que tel sur la place publique et ne se présente pas aux élections. Donc, cela ne peut tourner qu’autour de discussions qui seront plus ou moins publiques je pense que tout ne sera pas étalé dans la presse, mais si c’est pour arriver à un processus de Paix, c’est une bonne chose.
Parallèlement, il semble qu’une table de négociations politiques entre les partis politiques va voir le jour afin de trouver une issue au conflit.
Je pense qu’il y a un écueil, c’est le préalable formulé par l’ETA, qui est de dire qu’ils sont prêts à une négociation à deux conditions : l’autodétermination et la reconnaissance de tout le Pays Basque, c’est-à-dire associer le Pays Basque français au Pays Basque espagnol. Or, si ce sont des préalables avant d’ouvrir une discussion, je pense qu’on n’ira pas très loin. Mais, pour le reste, je me réjouis, je suis un homme très heureux aujourd’hui, parce que soulagé de savoir, qu’enfin, il y a une issue possible.
Pensez-vous que les partis en présence au Pays Basque nord doivent faire partie de ce processus où il sera question également du Pays Basque nord ?
Non, à mon avis les partis politiques français n’ont pas leur mot à dire dans cette affaire. Ils ne sont pas concernés, ce n’est pas leur territoire et ils ne sont mandatés par personne. Quand on discute en politique, il faut être mandaté par les électeurs, ce qui n’est pas le cas actuellement. Qu’un ministre accepte d’envisager des mesures particulières dans le cadre de la législation afin de rapprocher les prisonniers politiques, dans un cadre humain, légal et normal, et envisage une discussion avec l’état espagnol... c’est tout à fait possible. Je ne l’exclus absolument pas. Je pense d’ailleurs que des initiatives seront prises dans ce domaine, à la demande de l’Espagne. Je suis certains que nous verrons demain des décisions concrètes en ce sens. Mais aller au-delà c’est inenvisageable.
Interrogée sur le cessez-le-feu, Michèle Alliot-Marie a déclaré le 31 mars dernier, qu’une fois le cessez-le-feu confirmé, tous les sujets seront abordés, et elle a insisté "je dis bien tous les sujets". A votre avis que voulait-elle dire avec cela ?
Je pense qu’elle pense à la même chose que moi, c’est-à-dire que l’on peut parfaitement envisager que le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur français en charge des questions des prisonniers politiques avec le ministre de la Justice, puisse accepter une demande espagnole concernant les prisonniers. Des prisonniers qui n’ont pas de sang sur les bras, ceux qui sont en attente de procès ou condamnés pour des actes délictueux, certes, mais pas de crimes.
A votre connaissance, cette question a-t-elle été déjà abordée par les deux gouvernements ?
Que je sache non, aucune discussion n’a encore été engagée sur le sujet.
L’ETA, les différents partis abertzale dont le PNV, estiment que le Pays Basque nord doit être sujet de discussion dans ce processus. En refusant de discuter sur ce sujet, prendrez-vous le risque de bloquer tout un processus de Paix ?
Que le PNV, où j’ai de nombreux amis, revendique le Pays Basque français dans une homogénéité avec le Pays Basque espagnol, ce n’est pas nouveau, c’est sa revendication depuis toujours. D’ailleurs le Parti Nationaliste Basque, ça veut bien dire ce que ça veut dire avec les 7 provinces historiques. Je pense que c’est inenvisageable, nous ne sommes pas organisés de la même façon, la décentralisation ici ce n’est pas l’autonomie comme de l’autre côté, il n’y a ni la même tradition ni la même histoire. Je pense que c’est inenvisageable dans les années à venir. À long terme, je ne sais pas ce qui peut se passer dans le cadre des régions européennes, mais actuellement c’est inenvisageable.
Une campagne vient d’être lancée autour de Batera pour demander la tenue d’un référendum sur le département Pays Basque. Vous avez été l’un des porteurs de cette revendication pendant de longues années. Aujourd’hui vous n’en faites plus partie...
C’est très simple. J’ai été favorable à la création d’un département il y a plus de dix ans, pour une raison d’efficacité et de représentation du Pays Basque. En fait, il s’agissait surtout d’une déconcentration des services. Je rappelle à ce titre que j’ai organisé en tant que président du Biltzar la consultation des maires de l’époque qui étaient favorables à 64 %. À partir du moment où nous avons été entendus et satisfaits, avec la création d’une délégation du Conseil Général à Bayonne avec de très nombreux fonctionnaires,et j’en sais quelque chose en tant que responsable de la commission des infrastructures et des routes cette demande n’a plus de sens. Ajoutons à cela une convention spécifique signée avec l’Etat, qui a donné la création de l’Office Public de la langue, du SUAT Pays Basque et un programme d’investissements doté de centaines de millions d’euros.De plus, rappelons que Jean-Pierre Raffarin s’était prononcé contre la création de nouveaux départements en général. Aujourd’hui, on parle en France de suppression de département, et non de création. Il a bien précisé que nulle part dans notre pays un département ne sera créé. Un non catégorique, pas pour une question politique, mais d’organisation administrative. On parle de plus en plus de suppression des départements ou de fusion avec les régions. On parle même de mandats électifs qui feraient double-emploi entre les deux structures. Donc, je pense qu’il est malvenu d’insister sur ce sujet, surtout que l’on a eu satisfaction sur toute la ligne. Maintenant la demande de département est une question politique. Certains font de cette question un fonds de commerce politique, pour un jour réunir le Pays Basque espagnol et le Pays Basque français. Ce n’est pas le moment, c’est inopportun.
Tout de même, une majorité de maires s’est prononcée pour que cette question soit tranchée, et qu’un référendum soit organisé. Si Batera vous le demande, signerez-vous cette pétition ?
Si les maires se sont prononcés, c’était à ma demande. Mais Andde Darraidou a transformé ce que j’ai dit. Moi j’ai proposé de refaire une consultation à bulletin secret avec double enveloppe, comme en 1997. C’est-à-dire de savoir si les maires sont favorables à la création d’un département Pays Basque, oui ou non. Et Darraidou, il a consulté pour savoir s’ils étaient d’accord ou opposés à l’organisation d’un référendum sur cette question. Une initiative qui n’est pas légale, puisque le référendum ne peut pas être à l’initiative de la collectivité départementale. Le référendum ne peut être qu’à l’initiative de l’Assemblée nationale. Cette décision ne peut être prise qu’à Paris, d’aucune façon à Pau. On pose donc une mauvaise question et au mauvais endroit. Je crois que c’est du temps perdu. Ce ne sont pas des propos hostiles contre qui que ce soit, mais un constat objectif.
Et si Batera vous apporte 46 000 signatures de Basques et de Béarnais, est-ce que cela devrait avoir une conséquence ?
46 000 signatures ? Même avec 150000 signatures, cela ne changerait rien. Le Conseil Général ne peut pas prendre l’initiative d’un référendum.
Et en tant que député de l’Assemblée nationale ?
Si jamais demain je suis saisi en tant que député avec mes collègues des Pyrénées-Atlantiques, qu’ils soient UDF, UMP, ou PS, il n’y a aucun problème, je transmettrai la demande de Batera sur le bureau du président de l’Assemblée nationale, comme je transmets toutes les demandes qui me sont faites. C’est mon rôle de député.
Etes-vous satisfait de la décentralisation actuelle ?
Je ne suis pas satisfait du tout, comme pratiquement tous les députés de tous les bancs de l’Assemblée nationale. Pour une raison politique et d’organisation. Le président de la République est élu pour 5 ans. Or, ce n’est pas un régime présidentiel, mais c’est lui qui orchestre tout, qui décide de tout, mais il ne rend compte de rien devant l’Assemblée nationale. C’est un faux régime présidentiel et ce n’est pas un régime parlementaire. Tant que l’on n’aura pas clarifié cette situation, à mon avis, on sera toujours dans cette impasse où l’on dira que le président décide de tout mais n’est pas responsable, et les députés ne servent qu’à voter les lois et soutenir le gouvernement. Je suis tout à fait d’accord avec Nicolas Sarkozy lorsqu’il souhaite qu’il y ait un président à la tête d’un gouvernement, qui devra répondre devant les Français et l’assemblée. On aura ainsi un vrai régime présidentiel avec un vrai président de la République. On aura l’année prochaine des élections présidentielles et législatives, mais les règles du jeu changeront demain, avec une seule élection. Nicolas Sarkozy s’est également engagé sur une réforme très importante, afin de réduire le nombre de ministères à 15 ministres et non à 40 comme aujourd’hui. Et les cabinets auront en charge la totalité des questions sans doublure politique et administrative. On aura fait un grand pas en avant dans la démocratie de notre pays.
Vous avez évoqué à deux reprises Nicolas Sarkozy. Entre Sarkozy et Villepin, votre choix est donc fait?
L’UMP est un parti de droite, une grande famille libérale composée d’anciens UDF, républicains et radicaux, dont le président est Nicolas Sarkozy. Au mois de janvier prochain, le candidat qui aura le plus de voix des militants sera soutenu par l’UMP. Nicolas Sarkozy, Christine Boutin, Dupont-Haignan et peut-être d’autres, il y aura le choix. Mais le candidat qui sera choisi aura l’appui des 250 000 militants de l’UMP.
Dans un an, les électeurs de votre circonscription seront appelés à voter. L’UDF compte présenter des candidats dans toutes les circonscriptions.
Avec Michèle Alliot-Marie, cela fait quinze ans que nous faisons équipe. La confiance, la loyauté et la fidélité sont totales. Si elle décide de se représenter, je serai là pour l’accompagner si elle le souhaite. J’ai fait un commentaire, une boutade, lors d’une réunion avec des élus UDF lorsque François Bayrou a refusé de voter le budget. Si nous, nous faisions pareille, Jean-Jacques Lasserre n’aurait pas son budget voté. Si demain nos amis de l’UDF présentent des candidats, à mon avis, ils seront plus perdants que gagnants, pour une simple raison : on ne peut pas imaginer un élu UDF sans les voix UMP, et l’on peut au contraire imaginer un élu UMP sans les voix UDF. Ici, je verrais mal un affrontement entre un ami de l’UDF et nous-mêmes. D’ailleurs Paul Badiola et Andde Darraidou s’étaient essayés à l’époque, et n’ont jamais plus recommencé.
Pour conclure, en tant que conseiller général président de la commission des infrastructures, où en est le dossier de la 2x2 voies?
Comme Jean-Jacques Lasserre et Barthélémy Aguerre l’avaient annoncé, la discussion a eu lieu, des propositions ont été faites et les conclusions ont été prises. Le Conseil Général a tenu compte de l’opposition de la majorité d’élus de Basse Navarre et de Soule contre la création d’une 2x2 voies. Par contre, nous aurons une 2x1 voie avec une voie de dépassement là ou les secteurs permettent aux poids lourds de circuler sur la voie lente. C’est donc dans ce sens que l’on ira afin de donner satisfaction aux populations concernées. Je crois que, dans une démocratie, on ne peut pas aller contre l’avis des populations concernées. C’est la concertation qui doit primer, c’est la démocratie. Et j’en reviens au sujet de départ, dans une démocratie, il faut tenir compte de ce que souhaite la majorité des gens représentatifs qui sont candidats à des élections.
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