Finalement, qui mieux que Denis Laborde pouvait écrire un livre, à la fois complet et généraliste, sur le bertsularisme ? Ce pimpant quadra, chercheur au CNRS, a étudié la musique au Conservatoire de Paris et l’Ethnologie à l’école des Hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a aussi un pied au Pays Basque, de part ses origines, et mène surtout l’enquête dans le monde des versificateurs depuis une quinzaine d’années. Autant de cordes à son arc et un handicap apparent de taille.Celui de ne pas maîtriser la langue basque.Mais dans le livre La mémoire et l’instant, cette tare, qui laisse sceptique, est poussée à son avantage par l’ethno-musicologue pour prendre un recul salutaire face au sujet et proposer un regard extérieur et nouveau. Résultat : "Il n’y a jamais eu de livre aussi complet en français sur le bertsularisme" se félicitait, hier, Peio Etcheverry Ainchart, au nom de la maison d’édition Elkar, en voyant même dans cette savante signature une "caution intellectuelle" à la collection. Mais au-delà de cet ouvrage rigoureux, Denis Laborde souhaitait avant tout évoquer un sujet vivant, "fait de 1000 rencontres, 1000 idées et 1000 renoncements".Et quelques solides analyses. Une façon également de rompre avec quelques lieux communs en re-situant la performance du bertsulari dans un processus de construction sociale, et dans "quelque chose de plus qu’une action individuelle".Une construction collective, en phase avec le public.Denis Laborde suit l’improvisation dans l’action, en établissant que le bertsulari est capable "d’encoder dans ses vers les réactions du public".Une interaction qui, pour autant, ne fait pas perdre de vue à l’auteur que cet art de l’improvisation est avant tout un travail de mémoire, et davantage un jeu d’adresse qu’un jeu de hasard.Autant de pistes largement développées dans cet ouvrage de 300 pages, qui, malgré quelques propos très techniques, ne perd pas de vue le vivant.Ce que Denis Laborde nomme les "interactions" entre la discipline et le public.Souvenir du rire d’une grand-mère qui ne riait plus de si bon c¦ur qu’en écoutant Xanpun, de ces "tours de magie" ou d’un "don de Dieu" qu’on prête aux champions, et de 1000 rapports qu’entretiennent les Basques avec cette bannière identitaire, élargissant le champ de la réflexion de l’auteur à un phénomène culturel unique.

Deux parties en six chapitres
Denis Laborde confiait hier avoir réécrit sa thèse de doctorat en Ethnologie cinq fois jusqu’à ce livre résumé. Six chapitres le composent et permettent dans une 1ère partie, de considérer le bertsularisme comme phénomène universel, comme jeu d’adresse avec ses règles strictes, comme un art de la mémoire avec ses règles strictes et comme une interaction avec le public.La seconde partie revient sur la fabrication du folklore, la naissance du bertsularisme, et analyse la finale de décembre 89, le terrible duel Lizaso-Lopategi qui marque un tournant historique.