Le procès des six prévenus de l’affaire Kako a nécessité plus de sept heures de débat hier au tribunal de Bayonne dans une ambiance parfois tendue entre les quatre avocats de la défense et un Procureur particulièrement sur les dents. A l’heure de boucler cette édition les prévenus et les témoins avaient été entendus mais le procureur était encore après 22h en train de réclamer l’application "de l’État de droit dans cette partie du département" et les avocats de la défense, qui devaient plaider la relaxe, n’avaient pu encore avancer leurs arguments. Le procès devait se terminer tard dans la soirée.
"Comment peut-on prétendre atténuer les conséquences si on ne réfléchit pas aux causes?" avait lancé dans l’après-midi Frantxua Irigoien l’un des prévenus au procureur qui remettait ses propos en cause. "Les principaux responsables de ce qui s’est passé à Saint-Palais ne sont pas dans la salle", avait-il asséné, en enfonçant le clou. La FDSEA était dans le viseur de la plupart des prévenus comme dans celle des témoins. Tout au long des heures qu’a duré le procès, l’historique de l’affaire Kako a été longuement évoqué. Le fait que Fred Larrañaga se soit lancé dans l’achat de la ferme avec le GFAM car personne n’avait manifesté le souhait de s’engager sur ces terres, l’engagement du GFAM par une large souscription populaire, l’arrivée hors délai d’une candidature fortement soutenue par la FDSEA qui remettait tout le dossier en cause, un comité technique de la Safer "noyauté par la FDSEA et qui savait à l’avance quelle décision il allait prendre". L’un des témoins, Michel Bérocohirigoin, président d’ELB, a d’ailleurs appuyé ces dires en mettant en avant le rôle de la FDSEA dans les décisions agricoles et pas seulement en Pays Basque.
"Et quelle était votre participation aux faits ce jour-là?", a répété le président aux six prévenus mis en examen pour des faits de violences volontaires en réunion à l’encontre de gendarmes, de dégradation et d’outrages. Tous ont mis en avant leur détermination à ce qu’une délégation soit reçue pour éviter l’expulsion d’un paysan. "Ce jour-là, soit on rentrait tête basse à la maison en acceptant une terrible injustice, soit on réagissait et la seule manière était d’obtenir une discussion avec les membres de la Safer", a résumé Frantxua Irigoien. Et d’ajouter "les manifestants ne se sont pas calmés quand un compromis a été trouvé, ni quand la délégation a été reçue mais quand l’éventualité qu’une délégation soit reçue a été avancée". Sur les violences contre les agents, les jets de pierre, le vol d’une matraque, la dégradation de la porte, tous se disent non violents. Ils ne reconnaissent pas les faits. "La mêlée, j’y étais", reconnaissent certains, "l’objectif était de discuter avec la Safer, je n’ai jamais frappé personne", dira Jean-Michel Ayçaguer, accusé d’avoir frappé les gendarmes avec un parapluie.
Les deux gendarmes blessés ce jour-là sont présents à la barre. L’un reconnaît formellement Fred Larrañaga comme l’un des manifestants qui lui faisaient face. Mais dans sa déclaration antérieure, il disait ne pas savoir d’où provenaient les coups, rappelle un avocat.
Son collègue a reçu un bloc de goudron sur la pommette mais il ne peut dire si c’est Larrañaga qui le lui a envoyé. Les photos et la vidéo montrées à l’audience ne sont pas toutes très explicites.
Me Larrea fait d’ailleurs dire au technicien de la Safer qui déclare à la barre comme témoin qu’il était bien en première ligne mais qu’il n’a pas entendu de paroles outrageantes contre les gendarmes ni vu Fred Larrañaga extirper un gendarme ou cracher. Le procureur ne laisse rien passer, saute sur les virgules. Déjà en début d’après-midi, avocats de la défense et ministère public s’étaient empoignés sur des demandes de nullité de procédure.
Enfin, les prévenus n’ont pas manqué de dénoncer leur condition d’interpellation "particulièrement traumatisante pour nos enfants qui n’ont pas compris ce qui arrivait à leurs parents", ont notamment indiqué Mizel Dunate et Virginie Brunet.