De Palma révèle l’envers du décor irakien
·Dans la course au Lion d’Or à la Mostra de Venise, Brian De Palma dévoile une vraie-fausse fiction choc sur la guerre en Irak
La 64e Mostra a découvert hier Redacted, où Brian De Palma éclaire crûment les "dommages collatéraux" causés par l’occupation militaire américaine en Irak, dans une fiction-choc sur le viol et le meurtre, véridiques, d’une fillette irakienne par des soldats. Au-delà de son actualité brûlante, ce film, qui concourt pour le Lion d’or, était le plus fort et le plus novateur présenté depuis l’ouverture, mercredi, du festival de cinéma qui fête ses 75 ans.
Décrit par son réalisateur comme un "documentaire fictionnel", Redacted revient sur la mort, en mars 2006 à Mahmoudiya, d’Abeer Qasim Hamza, violée et assassinée à quatorze ans par des soldats américains. Pour détruire les preuves de leur crime, ils avaient mis le feu au corps de l’adolescente et tué trois personnes de sa famille. Huit mois plus tard, en novembre, un tribunal militaire a condamné l’un des soldats à la prison à perpétuité.
Réalisé à partir d’informations sur ce drame glanées sur internet par Brian De Palma, Redacted se présente comme un journal vidéo sur le quotidien d’une poignée de soldats américains basés en Irak. Mais bien d’autres "matériaux" reconstitués à partir de documents réels le composent : blogs et vidéos sur internet, extraits de journaux télévisés ou de documentaires, films de surveillance vidéo, exécutions d’otages filmées...
Redacted plonge ainsi de façon sidérante au c¦ur du conflit irakien en montrant un "check-point", l’un des nombreux barrages installés sur les routes par les Américains pour prévenir les attentats. Parfait symbole de l’incompréhension entre la population et les soldats, ils sont le cadre quotidien de sanglantes bavures car nombre d’automobilistes irakiens, incapables de déchiffrer les instructions, y sont abattus.
Jeunes soldats inexpérimentés
Au fil d’un récit fragmenté, De Palma montre le dés¦uvrement et la faiblesse intellectuelle de jeunes soldats inexpérimentés, le désarroi de leurs familles et l’escalade de la peur qui se mue en haine sur le terrain. Cinéaste obsédé par le pouvoir et la signification des images, il montre aussi comment les images des atrocités quotidiennes de cette guerre sont soit absentes, soit tronquées, interprétées et manipulées par chaque bord.
Redacted se termine par une série de clichés pris dans la rue ou dans les hôpitaux et montrant des enfants, des femmes ou des hommes ensanglantés, amputés ou brûlés vifs. Brian De Palma espère que le peuple américain, une fois confronté aux images des crimes commis en Irak, exigera le retrait de son armée, comme il le fit quelque trente ans plus tôt pour le Vietnam. "Lors de la guerre du Vietnam nous avons vu, aux Etats-Unis, des images de la souffrance, des traumatismes subis par les victimes, des blessures de soldats, alors qu’on ne voit rien de la guerre en Irak", a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse. "Ces images existent sur internet, sur Youtube, sur les blogs des soldats et de leurs familles, mais elles ne circulent pas dans les grands médias. J’ai voulu les montrer à un large public", a-t-il ajouté.
Clooney en avocat looser
La deuxième ¦uvre en lice pour le Lion d’or dévoilée hier était un autre film américain, Michael Clayton, de Tony Gilroy, où George Clooney campe un avocat looser, divorcé et accro au jeu, confronté au cynisme des firmes multinationales. Dans le film, une entreprise agrochimique envoie des tueurs supprimer un collaborateur qui menace de révéler que l’un de ses produits est cancérigène. Produit notamment par l’acteur Sydney Pollack, qui joue dedans, et le réalisateur Steven Soderbergh, vieux complice de Clooney, Michael Clayton pâtit d’une intrigue embrouillée.
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