Le tabac c’est souvent une histoire de passionné. Jérôme Elissondo le dit lui-même, il pourrait en parler toute la journée. Et ce n’est pas le fait que le produit soit de plus en plus décrié, et bientôt interdit dans les lieux publics, qui va l’inciter à plus de réserve. Bien au contraire. Ce que le producteur de tabac installé à Domezain déplore le plus, ce sont bien les amalgames, qu’il estime totalement injustifiés."Je trouve dommage qu’il n’y ait pas plus de considération pour notre travail. Quand on dit que l’on est producteur de tabac, la première réaction des gens, c’est de dire Œc’est pas bien’", commente l’agriculteur de 35 ans dans sa serre où s’alignent les tiges de tabac séché pour quelques jours encore. Lui est installé depuis près de 10 ans sur l’exploitation familiale où il cultive deux variétés de tabac blond (1,55 ha de Burley et 9 ha de Virginie). Ses parents produisaient déjà cette culture irriguée et il a naturellement poursuivi dans cette voie. Il l’a même développée puisque le tabac est aujourd’hui l’une de ses productions principales lui procurant plus de 60% de son revenu.
"Il est très dommage et surtout injustifié de faire l’amalgame entre producteurs de tabac et tabagisme", estime Jérôme Elissondo. Le producteur met en avant les efforts de qualité entrepris par lui et ses pairs pour fournir "un produit sain".
"Notre production est entièrement tracée et contrôlée, depuis la graine semée jusqu’à la balle de tabac emballée. Notre charte Agri-confiance exige aussi de nous que l’on puisse justifier de tout ce que l’on fait en particulier des produits que nous utilisons", explique-t-il. "Rares sont les produits phytosanitaires homologués dans cette culture. Le système est tellement cadenassé que celui qui ne le respecterait pas serait tout de suite épinglé", ajoute le producteur.
Selon lui les exigences des pouvoirs publics sont bien moindres une fois franchi le palier suivant. "Une fois que les industriels nous achètent nos lots de tabac, personne ne sait quels sont les additifs et autres produits qui lui sont ajoutés. Il y a là une impunité qui est lamentable", fait-il remarquer. Il ajoute aussi que les exigences faites aux producteurs sont telles qu’elles servent d’argument commercial aux grandes marques. "Le tabac français est l’un des seuls tabacs tracés, les industriels peuvent ainsi arguer qu’ils achètent du tabac propre. Sauf qu’il est loin de couvrir tous les besoins et qu’ils lui ajoutent donc du tabac provenant de Chine notamment, qui n’a rien à voir", explique Jérôme Elissondo.
L’agriculteur est convaincu que son produit est sain. Il indique d’ailleurs faire des efforts importants pour qu’il soit pauvre en nicotine (plus le taux est élevé, moins le producteur est rémunéré). Il met en avant un "savoir-faire", du semis à l’emballage, en passant par la récolte, le séchage, le tri. La plante est aussi "extrêmement respectueuse de l’environnement" selon l’agriculteur. "Si je n’étais pas sûr de ma production, je ne la ferais pas", affirme-t-il.
Jérôme Elissondo regrette beaucoup que sa production soit ainsi mise sur la sellette. Il dénonce "l’hypocrisie" de l’Etat en particulier, qui parle de la nocivité du tabac mais ne mène pas le même combat contre le vin. "C’est juste une question de lobbying", souligne-t-il.
Recherche producteurs
En attendant, les pouvoirs publics ont tendance à se désengager de la production. Les collectivités n’octroient plus autant d’aides aux agriculteurs. Jérôme Elissondo se veut quand même confiant. "Le bon sens fera que l’on restera producteur de tabac encore longtemps", avance-t-il en misant ses espoirs sur les politiques.L’interdiction prochaine de fumer dans les lieux publics qui s’appliquera au 1er février prochain (1er janvier 2008 pour les bars, restaurants, casinos et discothèques) ne semble en effet pas effrayer la filière outre mesure. La coopérative Tabac Garonne Adour (qui gère la production de tabac de cinq départements) lance une seconde campagne de développement pour augmenter les surfaces produites. "L’Union européenne est déficitaire en tabac donc il y a matière à produire", avance Philippe Charbonnier, technicien de la coopérative. "Si nous on ne produit pas, les autres le feront".
La production de tabac est assez marginale en Pays Basque. On ne compte qu’une vingtaine de producteurs (contre 130 en Béarn). Deux variétés de tabac blond sont cultivées : le Virginie et le Burley. La première nécessite un parcellaire assez important et plat car toute la culture est mécanisée. Les producteurs de Virginie se situent donc en Amikuze (Domezain, Luxe, Amorots...). Le Burley est quant à lui produit sur des zones moins favorables comme les coteaux du Pays Basque (Juxue, Baigorri, Ascarat...). Les surfaces cultivées y sont plus réduites.
La variété Virginie est plantée fin avril ou début mai, en général après une culture de céréales. La récolte intervient deux mois plus tard en juillet. Elle se fait feuille à feuille et nécessite donc souvent de la main-d’¦uvre extérieure. Les feuilles sont ensuite séchées dans des fours à gaz. Certains producteurs comme J. Elissondo produisent eux-mêmes leurs plants, en semant les graines fin février.
Le Burley est planté fin mai pour une récolte début septembre. Ici, on cueille la tige entière. Elle est séchée sous des serres ou des hangars. En cette saison, les producteurs de Burley procèdent à l’effeuillage des tiges en classant les feuilles en quatre catégories suivant leur position sur la tige.
Le tabac est acheté aux producteurs 3 à 3,50 euros le kilogramme.