Le nouveau gazoduc Euskadour, qui relie le port de Bilbo et le site landais de Lussagnet, est enfin entré en service après plus de deux ans de travaux et un certain retard. Des travaux qui ont consisté essentiellement à la construction de 28 kilomètres de tuyaux gaziers à grande capacité entre les communes d’Arcangues et d’Irun.Hier, au cours d’une grand-messe, le lehendakari Juan José Ibarretxe, le ministre espagnol de l’Industrie, José Montilla, et son homologue français, François Loos, ont inauguré officiellement cette infrastructure de transport énergétique. Pourquoi autant de personnalités pour 28 kilomètres de gazoduc? Parce que ce pipeline n’est que la partie visible de l’iceberg d’un projet beaucoup plus ambitieux qui sera exécuté au cours des prochaines années, et qui renforcera la capacité d’échange du gaz naturel de part et d’autre de la Bidassoa [lire notre édition du 25 février 2005].
En effet, le projet Euskadour compte trois phases dont celle-ci n’est que la première. Relier Arcangues avec Irun a permis de raccorder le gazoduc existant depuis 1999 entre Lacq et le village labourdin. Sauf que la capacité des tuyaux actuels n’est pas suffisante pour transporter les quantités de gaz que les sociétés Total et Gas de Euskadi souhaitent transférer. De plus, le réseau actuel ne permet pas le transport bidirectionnel de gaz.
C’est pour cette raison que, dans une deuxième phase, il y aura un nouveau gazoduc parallèle à celui déjà existant entre Bergara et Irun. D’une longueur de 87 km, cette nouvelle liaison aurait un coût de 90 millions d’euros, et serait complétée par la construction d’une dernière liaison entre Bergara et Arrigorriaga (51 km), aux portes de Bilbo et du Œsuperport’.
Dans une troisième et dernière phase deux liaisons seront construites, celle entre Arcangues et Sordes (43km), et entre Sordes et Coudures (52km), localité qui est déjà raccordée au site de Lussagnet. Ces deux tronçons font en tout 95km et nécessitent un investissement approximatif de 45 millions.
315 km de pipelines
Ces 28 kilomètres de gazoduc inaugurés hier constituent donc la première phase d’un projet complexe de raccordement des réseaux landais et basque. Au total, cette opération représente le déploiement de 315 kilomètres de pipelines et un investissement de 180 millions d’euros, selon les responsables d’Euskadour. Les deux pôles de ce nouveau réseau seront le port de Bilbao, où sera implanté le site de regazification et de déchargement des cargos méthaniers, nommé Bahia de Bizkaia, et la commune landaise de Lussagnet où la compagnie TIFG, filiale de Total, dispose d’un entrepôt naturel souterrain. C’est cette société qui a pris en charge le financement des 25 kilomètres entre Arcangues et Biriatou, de près de 20 millions d’euros, alors que les trois kilomètres qui séparent Irun et Biriatou ont été à la charge de Naturgas (compagnie contrôlée par la société portugaise EDP) qui a investi 3 millions d’euros.
Fluidité des marchés gaziers
Déclaré d’utilité publique, Euskadour s’inscrit dans le cadre des projets Européens de développement des infrastructures gazières, "afin de favoriser la fluidité des marchés gaziers, et de créer des conditions propices à la libre concurrence entre fournisseurs de gaz". La Commission européenne subventionne d’ailleurs le projet à hauteur de 5 % du coût.Ce projet doit permettre de relier le terminal de Gaz Naturel Liquéfié de Bilbao, aux sites de stockage de Lussagnet et Izaute (Gers), se connectant au passage au site de Lacq qui produit toujours du gaz.
La canalisation aura une capacité initiale de transport de 500 millions de mètres cubes de gaz par an. Le gazoduc devrait fonctionner dans les deux sens: en hiver les réserves landaises devraient être mises à disposition des consommateurs ibériques et en été, des cargos arrivant à Bilbo déchargeraient du gaz liquéfié qui une fois réchauffé serait envoyé vers le nord. Actuellement, les sites de stockage de Santurtzi et de la Gaviota sont remplis par le gaz déchargé au port de Bilbo en provenance des Antilles, du Nigéria ou du Magreb. Selon le ministre français de l’Energie, le consortium Medgaz, dont Total fait partie, souhaite pouvoir transporter du gaz algérien à partir de 2007 grâce à Euskadour et au gazoduc Lacal qui traverse la Soule.
Yves-Louis Darricarrère, directeur général de Gaz et Electricité de Total, a déclaré que l’interconnexion inaugurée hier est un maillon stratégique du transport de gaz en Europe, mais aussi qu’elle "va permettre d’améliorer la desserte en gaz des distributions publiques de Bayonne et d’Hendaye et aura en cela un impact direct sur les consommateurs". Pour le lehendakari Ibarretxe, les Basques partagent une langue, une culture, une identité et désormais du gaz.
